De l’exégèse biblique à la théologie dogmatique*
Archim. Amphilochios Miltos Ἀρχιμ. Ἀμφιλόχιος Μῆλτος**
* Ἡ παρούσα ἐργασία εἶναι ἀναθεωρημένη ἀναπαραγωγή σχετικοῦ κεφαλαίου τῆς ὑπό τόν τίτλο La notion de "personnalité corporative" et son application possible à l'évêque. Recherches sur l'ecclésiologie de Jean Zizioulas et ses fondements patristiques διπλωματικῆς μας ἐργασίας, πού ὑποστηρίχτηκε τόν Μάιο τοῦ 2013 στό Institut catholique de Paris καί στό Université de Paris-Sorbonne (Paris IV).
** Κληρικός Ἱ. Μητροπόλεως Δημητριάδος, ὑποψ. Διδάκτωρ στό Institut Catholique de Paris καί τό Πανεπιστήμιο τῆς Σορβόννης (Paris IV) μέ θέμα: Ἡ « ἐπισκοπική συλλογικότητα » τῆς Β΄Βατικανῆς Συνόδου στό φῶς τῆς ὀρθόδοξης θεολογίας τῆς συνοδικότητος.
Introduction : La problématique de « personnalité corporative »
Tous ceux qui ont fréquenté les écrits du Métropolite Jean (Zizioulas) de Pergame ont surement rencontré l’expression « personnalité corporative ». Ce vocable, puisé en fait dans une théorie biblique, désigne un rapport paradoxal entre l’unicité et la multiplicité, rapport présent dans la personne du Christ ou ailleurs. Depuis lors, grâce à l’autorité de cet éminent théologien, il est devenu quasiment courant de parler de « personnalité corporative » dans la littérature théologique orthodoxe, sans pourtant s’interroger sur le sens ou l’origine de cette expression.
Dans la ligne de Zizioulas, certains ont prolongé l’usage de cette expression en qualifiant également l’évêque de « personnalité corporative », quelque chose que Zizioulas ne dit pas, du moins explicitement[1]. Ainsi, le canoniste P. Grégoire Papathomas, écrit : « Du fait que l’évêque ne constitue pas un individu mais une personnalité corporative, étant à la place et à l’image du Christ-“bon Pasteur” (saint Ignace d’Antioche), il est évident que l’évêque est un charisme qui récapitule l’ensemble de son diocèse »[2]. En outre, il faut signaler que, pour certains, la difficulté à traduire en grec le terme « corporative » peut mettre éventuellement en doute le concept lui-même[3]. Notion importante et centrale dans la théologie du Métropolite Jean[4], le recours à la « personnalité corporative » a toutefois été critiqué[5]. Ainsi, le Métropolite Kallistos Ware fait la remarque suivante : « Je trouve que l'utilisation que Zizioulas fait de la notion de ‘personnalité corporative’ est peu claire et ambiguë. Les auteurs qu'il cite à propos de l’usage de cette notion dans l'Ancien Testament, comme H. Wheeler Robinson et A.R. Johnson, ont écrit depuis plus d’un demi-siècle. Dans quelle mesure leurs idées sont-elles encore recevables par les spécialistes contemporains de l'Ancien Testament ? »[6].
À cette question de Ware nous nous proposons de répondre dans les lignes qui suivent. En effet, il semble essentiel de se demander : Qu’est-ce qu’est réellement la « personnalité corporative » ? Où et quand cette notion est-elle apparue en théologie ? S’agit-il d’une théorie reçue et vraiment retenue ? Cette notion ayant de surcroît été reprise en théologie dogmatique, il est finalement nécessaire de poser la question de la légitimité de ce passage.
Il convient d’emblée d’indiquer les limites de notre tentative, à savoir le cadre limité de cet article et le fait que nous ne sommes pas spécialistes d’exégèse. Notre objectif sera une présentation de base de cette notion et de sa mise en pratique dans le domaine de la théologie systématique. Cette démarche, qui s’avérera utile (mais qui est peu mise en relief jusqu’à présent), ouvre un chapitre plus vaste, à savoir celui du rapport entre exégèse et dogmatique, qui, selon nous, mérite d’être approfondi. Dans un premier temps, nous retracerons l’apparition de la théorie biblique de « personnalité corporative » dans la théologie biblique du XXe siècle. D’abord, nous proposerons un examen des racines de l’idée dans l’œuvre de son créateur H. W. Robinson. Ensuite, nous verrons tant la réception positive que la critique de cette notion par les autres exégètes, afin d’esquisser un bilan de cette longue controverse exégétique. Dans un second temps, nous nous efforcerons de tracer succinctement sa reprise en dogmatique, surtout à travers l’œuvre de J. Zizioulas, pour tirer finalement quelques conclusions.
I. La notion de « personnalité corporative » dans la théologie biblique
1. Les origines du concept : H. W. Robinson
L'expression « personnalité corporative » a été inaugurée dans la théologie biblique par le célèbre savant britannique Henry Wheeler Robinson (1872-1945)[7]. Cet exégète baptiste a emprunté ce terme au droit anglais où l'expression corporate personality signifie habituellement qu'un groupe peut fonctionner juridiquement comme une personne, ce qu’on désigne en français par personnalité morale (ou juridique). Certainement, dans le cadre théologique, le terme « personnalité corporative (...) ne s'entend que dans une langue technique et un contexte spécial »[8] et requiert plus qu’une clarification.
Robinson a alors introduit pour la première fois en 1911[9] la formule « personnalité corporative » dans l'exégèse, afin d'expliquer certains passages de l'Ancien Testament[10], concernant la relation de l'individu avec la communauté. Par exemple, l'histoire d’Akân (Ἄχαρ), dans le chapitre 7 du livre de Josué, peut être interprétée avec cette notion selon Robinson. Pour l’auteur, toute la famille d’Akân, étant une « personnalité corporative », a été punie, bien que seul Akân ait désobéi au commandement de Dieu. Un autre exemple est la transition du sujet « je » à « nous » que l’on trouve dans certains Psaumes (p. ex. 43 (44), 4-9), qui peut également être expliqué, si le psalmiste est considéré comme une personnalité corporative qui incarne tout son groupe.
En 1925, Robinson publie l'article Hebrew Psychology, où il présente la notion comme un élément de la psychologie juive qui produit une identification entre le peuple et le prophète ou Dieu[11]. En fait, l’exégète britannique a été influencé par des anthropologues de son époque (notamment par Lévy-Bruhl) qui croyaient que les juifs font partie des sociétés primitives et qu’à cause d’une telle mentalité « primitive », ils perçoivent le rapport entre l’individu et le groupe d’une manière totalement différente que les hommes contemporains. Par la suite, dans son étude La croix du Serviteur publiée en 1926, il aborde une lecture des poèmes du Serviteur du Seigneur[12] du livre d’Isaïe, en utilisant l'idée « ancienne » (comme il la caractérise) de la « personnalité corporative », afin d'« élucider la conception du Serviteur et l'application de cette idée dans la conception néotestamentaire du Corps du Christ »[13]. Selon lui, cette notion explique l'identification du Serviteur avec Israël, et, dans un deuxième temps, l'unité entre le Christ et son Corps, car la figure du Serviteur désigne un portrait anticipé du Christ.
Toutefois, ce n'est que dans son article fondamental intitulé « La conception juive de la personnalité corporative », paru en 1936, que Robinson tente d'éclaircir davantage le concept et de prouver sa pertinence[14]. À partir de la terminologie du droit anglais, il nomme tout d'abord deux types d’incorporations qui sont aussi présents dans ce concept biblique : un groupe (corps) corporatif qui fonctionne comme un individu et une personne artificielle qui a une succession perpétuelle. L'auteur repère dans plusieurs récits de l'Ancien Testament une identité entre l'individu et le groupe, un type d’incorporation qui caractériserait la mentalité juive[15]. Selon Robinson, « le groupe entier, incluant les membres morts, vivants et encore à naître, peut agir comme un seul individu, par l'intermédiaire de n'importe lequel de ses membres, faisant figure de le représenter »[16].
Ensuite, l'exégète établit quatre aspects principaux du concept : « 1) L'unité de son extension à la fois dans le passé et l'avenir [l’unité de la famille ou du peuple avec les ancêtres et les futurs membres]. 2) Le caractère "réaliste" de la conception qui la distingue de la "personnification" et qui fait du groupe une entité réelle actualisée dans ses membres [ici Robinson souligne la différence entre les idées anciennes et modernes sur le collectif. Un des exemples de cette « unité réelle » est pour lui l’église comme corps du Christ]. 3) La fluidité de la référence facilitant les transitions rapides et à peine marquées de l'un au multiple et du multiple à l'un [ici l’auteur renvoie à Lévy-Bruhl et à Durkheim qui parlent des groupes totémiques et d’une identification quasi mystique (entre l’un et le multiple) propre à la mentalité prélogique]. 4) La persistance de l'idée corporative même après le développement d'une nouvelle accentuation de l'individu [p.ex. l’emphase individualiste de Jérémie ou Ézéchiel ne s’oppose pas à la conception du groupe] »[17].
Dans le même article, Robinson se borne à présenter succinctement trois types d'applications du concept en exégèse : a) il s'agit de la représentation de la nation par des figures exceptionnelles qui en font partie (p. ex. les patriarches et les rois d’Israël, les prophètes, Adam et le Christ en tant que représentatifs de l’humanité chez Paul). b) La nature à la fois individuelle et collective du "moi" des Psaumes et des poèmes du Serviteur de Yahvé ; c) le contenu et le caractère de la morale hébraïque comme juste relation entre les membres du groupe et un autre[18]. Le théologien biblique développe abondamment toutes ces idées dans son œuvre[19].
Bref, en introduisant le concept de « personnalité corporative » et en l’appliquant en exégèse, H. W. Robinson a considéré avoir trouvé une idée propre à la mentalité du peuple juif, mentalité profondément collective et ainsi très différente de la mentalité contemporaine, et en même temps, une clé herméneutique apte à expliquer la relation paradoxale entre le groupe et l'individu dans la Bible. L’originalité de Robinson consiste d’une part en l’introduction d’une expression du droit (i.e. personnalité corporative) dans la théologie biblique, et d’autre part en la création de ce concept qu’il a fondé en s’appuyant en partie sur une certaine théorie anthropologique.
2. La réception et les critiques de la notion de « personnalité corporative »
a. La contribution de Jean De Fraine
L'introduction de la conception et de la formule de la « personnalité corporative » fut reçue positivement par plusieurs exégètes et a exercé une influence importante, dans la mesure où elle a été longtemps considérée comme une idée féconde, utile et convaincante[20].
Parmi les diverses études tributaires de Robinson, celle qui a remarquablement développé et élargi le concept est sans doute celle du jésuite français Jean De Fraine, publiée en 1959. Nous nous arrêtons à cet exégète de renom, dont l’étude sur la « personnalité corporative » est la seule qui figure dans le paysage français[21] et qui a traduit pour la première fois en français la formule par « personnalité corporative »[22]. De Fraine a essayé de suivre la ligne de Robinson, en prétendant en même temps la critiquer, et de montrer sa pertinence par une description phénoménologique de sa présence abondante dans la Bible[23]. D'après De Fraine, « Le vocable "personnalité corporative" exprime deux choses : d'abord le fait qu'un individu unique soit vraiment corporatif, c'est à dire fonctionnellement identifié à une communauté ; et ensuite que nonobstant ce caractère " corporatif ", il demeure vraiment une personne individuelle »[24].
En reprenant les quatre aspects proposés par Robinson, il présente un éclaircissement préliminaire plus vaste de ces quatre points, à savoir l'extension temporelle, le réalisme, la fluidité et la persistance de la notion pendant tout le développement de la tradition d'Israël[25]. Ensuite, il cherche à démontrer qu'une telle « conception est extrêmement répandue »[26] dans les textes de l'Ancien Testament avec des applications concrètes (Adam, les rois, les prophètes, le serviteur de Yahvé, le « fils de l'homme », le « moi » des Psaumes). La démarche de De Fraine est complétée par la présentation de la « personnalité corporative » du Christ dans le Nouveau Testament, en évoquant la liaison avec le corps mystique en tant qu'extension du Christ. En ce qui concerne sa valeur théologique, la notion biblique appliquée à Adam et au Christ « nous aide incontestablement à "exprimer" les vérités dogmatiques du péché originel et de la Rédemption »[27]. Ainsi, De Fraine ouvre en conclusion les pistes d'application de la notion dans la théologie dogmatique[28]. Il souligne que « c’est parce qu’Adam constitue une "personnalité corporative" avec le genre humain dans sa totalité, que son péché rejaillit ipso facto sur tous les hommes de tous les temps. De même le Christ exerce-t-il, vis-à-vis du groupe des chrétiens, une causalité de grâce : en tant que Messie transcendant il est foncièrement un avec son peuple, l’ekklêsia, c’est-à-dire la communauté des appelés. Ici de nouveau ce n’est pas la causalité du Christ individuel à l’égard des chrétiens individuels, qui crée l’unité du corps du Christ, mais à l’avance, c’est cette unité fondamentale qui assure la capacité de recevoir l’influx sanctificateur du Verbe Incarné »[29].
Il est intéressant de citer deux de ses conclusions. De Fraine inscrit le concept dans le cadre de la métaphysique biblique et de la notion d’« être », lorsqu’il écrit : « au fond l’individu ne se contente pas de représenter le groupe (...) ; dans l’ambiance de la « personnalité corporative » on peut dire en toute objectivité qu’il est le groupe, et que le groupe c’est lui »[30]. En outre, selon lui, la notion de « personnalité corporative » présuppose toujours une estime pour le rôle de l’individu : « si l’emphase mise sur l’unité n’exclut nullement la réalité de la multiplicité, en revanche cette dernière est toujours envisagée sous son aspect d’appartenance à l’un plutôt qu’à son aspect de diffusion pure »[31].
L'entreprise honnête de De Fraine d'éclairer cette notion biblique qui exprime, d'après lui, une « union dynamique et partant fluide, qui existe entre un groupe et un individu »[32], a abouti à une analyse plus longue du concept que celle de Robinson, à travers une exploration des textes bibliques. Pour emprunter les mots de la critique d’Audet, il s'agit d'une « reconsidération attentive, bien équilibrée, et souvent pénétrante »[33]. Cependant, l'ouvrage de De Fraine a fait l’objet de critiques[34], à notre avis peu convaincantes, qui pourtant ne remettent point en question toute son entreprise[35].
b. Les critiques
Malgré la réception d’emblée positive de la « personnalité corporative » de Robinson, trente ans après son introduction, le concept a été l’objet de critiques importantes qui ont troublé son accueil unanime par les exégètes. Deux articles sont décisifs pour le débat autour de la « personnalité corporative ». Le premier est la contribution de J. Porter, qui tente de contester les aspects légaux de la personnalité corporative qui reste pourtant pour lui une idée importante et fructueuse, un topos en exégèse[36]. Porter examine les passages concernant l'application légale du concept et il propose pour chacun une explication alternative. Sa conclusion est le constat que le concept de « personnalité corporative » dans le cas des punitions légales est inutile. Mais il n'exclut pas la possibilité de son application hors de la « sphère du légal »[37]. Finalement, Porter, tout en acceptant que la loi juive considère le groupe comme un ensemble, nie explicitement le fait qu'elle l'envisage en tant qu'une « communauté physique» ou une « unité physique », comme la théorie de Robinson le revendique.
D’autre part, J. W. Rogerson, cinq ans plus tard, voulant réexaminer la problématique, déclare qu'il ne valide pas la ligne de Porter pour les applications non légales, mais il interroge le sens du terme personnalité corporative et les fondements anthropologiques de la pensée de Robinson[38]. En faisant une enquête détaillée sur les sources de Robinson, l'auteur montre l'ambiguïté du terme qui tantôt signifie la responsabilité corporative, tantôt « l'unité physique des membres du même groupe social dans laquelle les limites de la personnalité individuelle ne sont pas explicitement définies »[39]. D'après Rogerson, la deuxième signification, utilisée également par Robinson dans le cas d'Adam et du Christ, est dominante dans ses écrits à cause de la grande influence de Lévy-Bruhl[40]. L'auteur montre ce que Robinson doit aux différents anthropologues et auteurs comme H. Maine, E. Durkheim, B. Spencer et F. J. Gillen. Il soutient que les critiques contemporaines des théories anthropologiques de Lévy-Bruhl et d'autres sur la psychologie ("totémique ou prélogique") et la mentalité primitives (qui affectent surtout le second sens de la notion) imposent d'abandonner le concept de personnalité corporative fondé notamment sur eux. Malgré ce rejet, il qualifie de positive l'utilisation de l'anthropologie dans la théologie biblique. Dans une étude postérieure où il reprend la critique de Lévy-Bruhl[41], Rogerson précise que, s'il accuse Robinson, c'est parce qu'il promeut l'usage d'une théorie sur la mentalité hébraïque qui s'appuie sur ce qu'il considère comme des « hypothèses anthropologiques intenables »[42]. Néanmoins, il accepte que plusieurs parties de l'Ancien Testament apparaissent comme l'implication de ce que l'on pourrait appeler un sens corporatif d'une figure individuelle, comme par exemple le "je" des Psaumes[43]. En bref, il est évident que pour Rogerson la « personnalité corporative » de Robinson est erronée à cause de ses fondements anthropologiques et que la dialectique individuel-collectif dans l’Ancien Testament peut être interprétée autrement [44].
Dans le domaine plutôt néotestamentaire, un article plus récent de A. Perriman, en rendant compte des travaux précédents, s'efforce de montrer que l'idée "juive" de « personnalité corporative » n'est pas un présupposé de la théologie paulinienne de l'incorporation en Christ[45]. Perriman examine les textes de l’Ancien Testament et autres textes juifs qui ont été considérés comme ayant une conception d’incorporation analogue à celle que Paul présente pour le Christ et il argumente qu’il existe une interaction complexe entre le collectif et l’individuel dans la pensée juive. Les textes de l'Ancien Testament et d'autres écrits juifs prouvent que le sens de la solidarité, qui est sans doute important, n'exige pas l'idée de l'incorporation d'un groupe dans un individu. Cependant, la question de savoir si « s. Paul a développé la conception corporative du Christ tout à fait indépendamment d'une antécédence juive »[46] reste ouverte. Par conséquent, cette étude admet la fonction symbolique ou représentative que certains individus ont dans la mentalité juive mais cela ne prouve pas qu’il préexiste chez les juifs l’idée paulinienne d’une corporation des fidèles au Christ. Pourtant, comme nous le verrons par la suite, plusieurs exégètes de Paul ne partagent pas ce point de vue.
3. L'évaluation récente de la notion et une appréciation conclusive
Pendant près d'un siècle, les exégètes ont débattu du concept de « personnalité corporative » inventé par W. H. Robinson. Après avoir esquissé un aperçu historique très succinct, nous verrons par la suite les résultats de la recherche récente et nous avancerons quelques remarques conclusives.
Les études les plus récentes qui traitent de cette notion tendent à avoir une évaluation plus positive et moins absolue. J. S. Kaminsky qui a consacré un ouvrage au sujet[47], a démontré la « persistance, la centralité et l'ubiquité des idées corporatives »[48] dans la Bible, ainsi que la fonction non contradictoire mais complémentaire des deux aspects : individuel et collectif. Selon le même exégète, les critiques de Porter et Rogerson sont d’une grande portée mais elles sont aussi surestimées et contiennent trop de préjugés[49]. En outre, d'après la thèse de Powers, bien que la théorie particulière de Robinson doive être écartée, on ne peut pas ignorer l'idée qu'il existe d'une certaine manière une unité ou une solidarité corporative dans l'expérience du peuple juif[50]. Certes, même Rogerson et Porter admettent la présence d'une telle idée corporative dans la Bible. Par exemple, Rogerson, tout en refusant la notion de « personnalité corporative », mentionne que les tensions entre le collectif et l'individuel peuvent être expliquées autrement[51]. Comme Kaminsky le constate ailleurs, malgré le refus des idées corporatives en raison de leur caractère primitif, nous devons reconnaître que la théologie de l'Ancien Testament est fondamentalement corporative[52]. Finalement, d'après Mol, qui a beaucoup étudié, dans une thèse très récente, l'évolution du concept et sa réception, il ne faut pas renoncer à tous les aspects de l'hypothèse de Robinson. Dans le cadre de sa recherche sur Ézéchiel 18 et 20, l'auteur redéfinit la « personnalité corporative » (selon lui, la personnalité corporative est la famille) en gardant les aspects de l'unité, de la diachronie et de la synchronie établis par Robinson[53].
Les relectures actuelles se retrouvent donc dans la conclusion de ne pas abandonner totalement le concept de « personnalité corporative » dans son ensemble. Nous le comprendrons mieux en faisant un bilan des objections contre la théorie de Robinson et en voyant les critiques à l’égard de ces objections. Selon Kaminsky, on peut distinguer quatre catégories de reproches qui méritent d'être juxtaposées : a) La théorie a créé une dichotomie fausse entre le groupe et l'individu, qui donne l'impression que la société israélite n'a que tardivement une conscience de l'individu. b) Les passages bibliques interprétés par la théorie peuvent être expliqués par d'autres idées[54]. c) La « personnalité corporative » a été fondée sur des idées anthropologiques qui ne sont plus valables. d) Robinson utilise le terme d'une manière imprécise et de plus, il se sert des différents sens du terme pour résoudre différents problèmes au point de rendre vide son sens et son utilité[55].
Ces reproches ont été à leur tour également critiqués par d’autres exégètes. Quant au premier, il n’est pas totalement vrai que la théorie de personnalité corporative ignore ou dénie l’individu[56]. La persistance de l’individu a par ailleurs été soulignée par De Fraine. Selon E. Ellis, la théorie reflète un équilibre entre les dimensions corporatives et individuelles et vise à constater la fluidité entre la personne et le groupe, ainsi que le fait que la signification de la personne est déterminée par son groupe[57]. La seconde catégorie d’objections a été nuancée par Kaminsky lui-même, qui souligne que la critique de Porter (et les alternatives non-corporatives qu’il propose) ne diminue pas l’observation d’une certaine « corporativité » (corporateness) et qu’enfin ces idées alternatives viennent plutôt renforcer l’existence d’une conception corporative[58]. Par rapport à la distinction effectuée par Porter entre le domaine légal et le domaine religieux, il s’agit pour Kaminsky d’une fausse dichotomie qui ne justifie pas la présence des idées corporatives dans une sphère et non dans l’autre. En ce qui concerne le troisième reproche, Ellis and Son montrent que les conclusions exégétiques de Robinson ne dépendent pas de la validité des théories de Lévy-Bruhl ou de Durkheim, qui sont utilisées par lui afin seulement de montrer la possibilité d’un mouvement fluide entre l’individu et le groupe[59]. En outre, si les théories de Lévy-Bruhl ont été jugées incorrectes par les anthropologues modernes, cela ne signifie pas que les théories modernes ne contiennent pas de lacunes. Enfin, alors que la critique sur l’ambiguïté de l’expression « personnalité corporative » est juste, Son remarque avec raison qu’une telle faiblesse terminologique n’annule pas la validité de la conception, ni toute l’œuvre exégétique de Robinson[60].
De ce qui précède, nous constatons que toutes les critiques négatives ont été adressées essentiellement à Robinson et moins aux autres exégètes qui ont adopté la notion[61]. Par ailleurs, à l'exception de deux articles mentionnés ci-dessus, la longue étude de De Fraine n'a pas été, à notre connaissance, suffisamment discutée. Certes, ce dernier, malgré ses efforts pour systématiser le concept et pour prendre ses distances par rapport à Robinson, reste dans la même ligne, en citant lui aussi par exemple largement l'anthropologue Lévy-Bruhl[62]. Enfin, l'essai de projeter sur les juifs une mentalité particulière et primitive et de l'opposer à la nôtre, en usant d’une catégorie, selon Rogerson, « simpliste »[63] dans l'herméneutique des textes vétérotestamentaires, fut le noyau dur de la controverse contre la « personnalité corporative ». Pourtant, selon Powers qui a fait récemment un bilan des reproches, même si les points psychologiques ou anthropologiques de la théorie de Robinson ne sont pas à retenir, l’idée d’une unité (ou ‘solidarité corporative’) ne doit pas être rejetée[64]. Pour lui (à l’opposé de Perriman), la centralité des idées « corporatives » dans la pensée juive est plus qu’évidente, un fait qui n’est pas sans signification pour les notions sotériologiques des premiers chrétiens et aussi de Paul. Ainsi, Powers démontre dans son étude que le fondement de leur conception du salut est la notion de l’unité corporative entre le Christ et les croyants.
Or, les applications de la notion à Adam et au Christ n'ont pas fait tellement débat. Par exemple, Rogerson cite la réflexion de Robinson dans son œuvre The Christian Doctrine of Man selon laquelle « Adam est la personnalité corporative de sa race en face du Christ qui est la personnalité corporative de son corps, de l’Église »[65], uniquement pour montrer l'ambiguïté du terme personnalité corporative et non pour contredire cette assertion. Perriman aussi, dans son article, se borne à indiquer, moyennant les textes juifs, qu'il n'y a pas de préfiguration de l'incorporation des fidèles en Christ, alors qu'il accepte la fonction représentative et symbolique de certains individus dans la pensée juive. Cependant, il ne développe pas ad hoc le cas d'Adam ni celui du Christ.
Il convient ici de rappeler que Rogerson a distingué deux types ou sens de corporation en suivant Robinson : a) la responsabilité corporative et b) la représentation corporative[66] ou l'unité physique du groupe[67]. Comme on l'a évoqué plus haut, le cas du Christ se situe dans la deuxième catégorie qui, chez Robinson, s'appuie notamment sur la théorie de Lévy-Bruhl (psychologie primitive) et sur la pensée prélogique des primitifs. Cependant nous observons aujourd'hui la tendance à valoriser le premier sens (responsabilité corporative) parce que « le terme personnalité corporative était plus problématique à cause de connotations psychologiques qui seules rendent préférables l'usage de responsabilité corporative »[68]. Le deuxième sens (qui parle d’un étrange type d’unité) a donc été abandonné à cause de sa dépendance des idées anthropologiques et psychologiques mises sérieusement en doute. C’est la raison pour laquelle, de nos jours, la formule « personnalité corporative » est peu utilisée et cède sa place à un terme plus acceptable, à savoir la « responsabilité corporative ». Ainsi, selon Kaminsky, le terme « responsabilité » (malgré son ambiguïté) apparaît plus adéquat, à condition de bien préciser son sens exact, afin de qualifier les récits bibliques qui impliquent le passage d’un individu à un groupe[69].
Quoi qu’il en soit, Kaminsky dans son aperçu court sur la théorie, ne mentionne nulle part l’application du premier sens de corporation (l’unité intime) au Christ ou à Adam. Il est certain que la corporation au sens d’une « responsabilité corporative » ne convient pas au cas du Christ ou à celui d’Adam. Il est dommage, en définitive, que les exégètes, dans le cadre de ce débat sur la notion de personnalité corporative, n’aient pas suffisamment éclairé cette application (Adam-Christ) d’un point de vue biblique, au détriment de son utilisation dogmatique. Il est néanmoins clair que de nombreuses études, plus ou moins récentes, considèrent la personnalité corporative comme l’arrière-plan de la théologie de Paul, et notamment sur la dialectique antithétique Adam-Christ[70]. L’abondante bibliographie relative démontre que, malgré les critiques, l’interprétation de la typologie Adam et Christ en termes de personnalité corporative (à l’égard respectivement de l’humanité ou de l’église) était féconde et largement reprise[71].
Une dernière remarque portée par Rogerson doit être ajoutée ici. D'après lui, nous devons à Robinson le fait d'avoir posé cette question cruciale : « est-que les Israélites regardent le groupe comme une collection d'individus ou comme un corps avec divers membres ? »[72]. Sa réponse est que, dans certains cas, le groupe ressemble à un corps dont les membres sont si liés qu'ils partagent le même destin. Pourtant, il réaffirme le risque d'une exagération herméneutique, comme c'est le cas de Robinson. Selon nous, le point nodal de la discussion est la question du rapport entre l'individu et le collectif qui ne peut pas être compris sous des catégories individuelles, puisque essentiellement « la Bible a une théologie très nuancée de la relation entre l'individu et la communauté »[73]. C’est cette relation qu’ont voulu exprimer Robinson et ses épigones par le concept de « personnalité corporative », qui, loin des diverses réserves méthodologiques ou terminologiques, demeure une contribution originale dans la théologie biblique.
Pour résumer, nous avons vu les origines mais aussi l'évolution jusqu'à aujourd'hui des opinions sur cette idée. Nous pourrions discuter plus largement du débat autour de cette notion mais cela dépasse le cadre de cet article ainsi que notre compétence sur le domaine. Cependant, tout cela nous a conduits à deux conclusions significatives pour la suite de notre réflexion. Premièrement, quelque expression, explication ou théorie que l'on adopte, il est certain et reconnu par tous que dans la Bible les idées dites "corporatives" occupent une place centrale qui mérite une considération particulière. Si le concept de personnalité corporative comme il a été formulé par Robinson reste controversé, l’expression et son contenu n’ont pas été depuis abandonnés par les exégètes. En second lieu, même si la culture et la mentalité juives ne le conditionnent pas, il n'est pas contesté qu'Adam et le Christ doivent être considérés comme étant plus qu'un individu, voire, dans une certaine manière, corporatifs. Certes, la clarification appartient aux biblistes, qui souvent ne partagent pas les mêmes points de vue. Devant les diverses considérations, les théologiens de la dogmatique doivent forcement choisir leurs exégètes. C'est le cas de certains théologiens, comme par exemple Jean Zizioulas, qui ont été inspirés par ce concept...
II. La notion de « personnalité corporative » dans la théologie dogmatique
1. Le passage de la notion à la théologie dogmatique
Comme nous l’avons vu, Robinson et notamment De Fraine avaient signalé les implications anthropologiques (Adam-humanité), christologiques et ecclésiologiques (Christ-église) de la notion de personnalité corporative. En fait, De Fraine, vers la fin de son ouvrage fondamental Adam et son lignage, constate que la notion de personnalité corporative « nous aide incontestablement à ‘exprimer’ les vérités dogmatiques du péché originel et de la Rédemption »[74]. Sans vraiment développer, l’exégète jésuite prétend que « le dogme de la Rédemption à son tour pourrait avantageusement se formuler à partir de la catégorie biblique de la ‘personnalité corporative’ du Christ »[75]. Selon De Fraine donc, « toute la Christologie s’illumine et s’approfondit, si le Christ n’apparaît plus comme un homme purement individuel mais comme une véritable ‘personnalité corporative’. Parce qu’il inclut, voire (dynamiquement) est le groupe des chrétiens, le Christ est tellement uni aux siens, que tout ce qu’il fait se répercute en eux »[76].
Cependant, ces pistes dogmatiques n’ont pas été explorées et la notion de personnalité corporative, hormis quelques cas, n’a pas été largement reprise dans la théologie dogmatique. Certes, nous avons pu repérer ci-dessus que dans le domaine des travaux sur la théologie paulinienne, aussi bien la notion en tant que telle que les idées dites corporatives sont assez répandues. Au sujet du péché originel, nous trouvons également l’usage de la notion élaborée d’une manière théologique[77]. Le cardinal Joseph Ratzinger (devenu le Pape Benoît XVI) a eu recours à l’expression « personnalité corporative » à plusieurs reprises[78]. Dans un traité christologique, afin d’associer Adam et le Christ en tant que « dernier homme », il écrit « dans la Bible ce mot [Adam] exprime l’unité de toute la réalité humaine, au point qu’on parle de l’idée biblique de ‘personnalité corporative’. Le fait donc que Jésus soit appelé ‘Adam’ montre qu’il est destiné à rassembler en Lui toute la réalité ‘Adam’ »[79]. Dans son livre Jésus de Nazareth, Ratzinger use aussi de l’expression mais d’une manière totalement différente, à propos de la Mère de Dieu[80]. D’ailleurs, K. Rahner de son côté fait une allusion au concept dans une étude anthropologique[81]. Nous découvrons une application plutôt ecclésiologique chez le théologien J. M. Tillard. Influencé incontestablement par Zizioulas, ce dominicain de renom considère le pape comme la « personnalité corporative » du corps des évêques à l’échelle universelle[82], une opinion contesté par Y. Congar et H. Legrand[83].
Hormis ces exemples, il n’y a pas, à notre connaissance, d’autre adaptation ou développement dogmatique de la notion de « personnalité corporative » dans la théologie catholique-romaine. En ce qui concerne la théologie orthodoxe contemporaine, c’est sans doute le Métropolite de Pergame Jean Zizioulas qui, en l’introduisant, nous a familiarisés avec cette notion. Chez lui, à l’encontre des usages déjà mentionnés, ce concept n’a pas un caractère marginal mais il occupe en revanche une place centrale et fondamentale dans sa pensée théologique qu’il vaut la peine d’explorer. Une telle démarche nécessiterait une étude à part[84] mais nous nous contenterons d’une brève présentation.
2. L’appropriation de la notion de « personnalité corporative » par Jean Zizioulas
a. Un concept fondamental
La notion de « personnalité corporative » parcourt toute l’œuvre de Jean Zizioulas. Ce théologien contemporain est certainement le seul ayant utilisé si largement la « personnalité corporative » pour développer sa réflexion dogmatique et ecclésiologique. L’abondance des références dans ses écrits en témoignent. Le contexte des citations, où apparaît la notion, est presque toujours le même[85]. C'est le paradoxe de l'incorporation du multiple dans l'Un ou, en d'autres termes, l'unité mutuelle de « l'un et du multiple », une idée qui est le fil rouge de sa pensée.
Dans ses premières œuvres, la dialectique « un – multiple » se situe dans la conscience eucharistique de l'Église primitive[86]. La « personnalité corporative » qui explique les figures bibliques du « Serviteur de Dieu » ou du « Fils de l'homme » attribuées au Christ est une indication que l'idée de l'incorporation du multiple dans l'Un est antérieure à celle de Paul. En effet, ce qui intéresse Zizioulas est de montrer que l'idée de l'identification de l'un et du multiple est préfigurée dans l'Ancien Testament et enracinée dans le Nouveau Testament et notamment chez Paul, afin de confirmer la signification ecclésiologique du corps eucharistique du Christ.
Mais dès son article sur la dimension pneumatologique de l'Église (1973), nous trouvons la notion notamment dans le cadre d’une synthèse entre la christologie et la pneumatologie[87] ainsi que deux fois à propos d’une réflexion anthropologique[88]. Pour cette synthèse, il faut introduire « dans l'ontologie du Christ et de l'Église deux ingrédients particuliers de la pneumatologie ; ces deux ingrédients sont l'eschatologie et la communion »[89]. Si donc l'eschatologie rend le Christ le « dernier Adam », la communion fait de lui une « personnalité corporative »[90], ayant un « corps » qui est l'Église. L'évolution de la pensée de Zizioulas, au fil des ans, se trouve dans le fait que l'idée de l'unité de « l'un et du multiple » a abouti à la synthèse entre la christologie et la pneumatologie, où le Christ représente l'un et l'Esprit apporte la multitude-communion.
En ce qui concerne ses sources, Zizioulas se réfère à la notion biblique de personnalité corporative, qu'il considère par ailleurs comme « une fameuse théorie »[91], sans l'expliquer suffisamment. Ainsi, soit il ne donne aucun élément bibliographique relatif à cette notion, soit il se borne à renvoyer toujours aux mêmes ouvrages[92] des exégètes S. Pedersen[93], H. W. Robinson[94], A. Johnson[95], et J. De Fraine[96]. Il semble que, parmi ces quatre études, il ait particulièrement consulté celles de Robinson et de De Fraine[97].
b. La signification de « personnalité corporative » chez Zizioulas
Nous nous livrerons ensuite à une appréciation succincte des réflexions théologiques du Métropolite pour voir comment et pourquoi Zizioulas utilise la « personnalité corporative » et quel est pour lui le sens de cette notion.
Afin de systématiser l’opération, il faudrait établir les quatre aspects qui caractérisent la présence de la notion de personnalité corporative dans ses écrits. D'abord, l'identification de l'un et du multiple est omniprésente et exprimée par la notion en question[98]. Puis, cette dialectique ou identification est attribuée à une christologie dite biblique, manifestée notamment dans le contexte eucharistique d'où émerge la conscience ecclésiologique. Pour l’exprimer autrement, les quatre axes qui constituent le cadre dans lequel Zizioulas parle de « personnalité corporative » sont l'idée de l'un et du multiple, la christologie, l'Eucharistie et l'ecclésiologie. Comme nous l’avons indiqué, c’est en christologie que Zizioulas applique notamment la notion. Alors qu'il est possible de discuter la fonction de la notion chez Zizioulas d'un point de vue biblique ou anthropologique[99], nous restons consciemment en christologie, car, d'après Zizioulas, le Christ est la « personnalité corporative » par excellence.
Selon nous, Zizioulas, en recourant à la notion biblique de personnalité corporative, (i) a confirmé sa position de l’unité paradoxale entre l’un et le multiple manifestée dans le repas eucharistique et (ii) a bâti une christologie relationnelle, où le Christ est l'être pneumatique qui unit l'un et le multiple, unité grâce à laquelle l'Église fait partie de l'identité du Christ. Enfin, (iii) il a assuré sa conviction fondamentale, qu’on ne peut pas traiter séparément la christologie et l’ecclésiologie.
Le théologien éminent ne définit nulle part à proprement parler comment il entend exactement la notion de personnalité corporative. On peut regretter qu’il ne nous ait pas encore donné de conceptualisation de la notion. Cependant, tout ce que nous venons de présenter illustre plutôt que la « personnalité corporative » est une catégorie christologique qui désigne la relation entre l'un, qui est le Christ et le multiple, qui est son corps (l'Église/la multitude des fidèles). Il s’agit de deux réalités qui sont mutuellement constitutives, et le Christ, de plus, incorpore en lui le multiple (autrement dit l’Église) au sens d'une identification ontologique. Cela signifie que l’on ne peut avoir le Christ sans l'Église ni l'inverse, et qu’en même temps ce rapport n'est pas fonctionnel ou analogique mais qu’il possède une valeur ontologique. Cette notion de « personnalité corporative », qui est en l’occurrence christologique, n'est comprise qu'en ecclésiologie puisque pour Zizioulas le Christ et l'Église partagent la même identité. Pour accepter cela, selon lui, il faut « opérer avec une ontologie qui n'est pas celle de notre individualisme occidental mais celle de l'idée de personnalité corporative »[100]. Si nous essayons d’expliciter le type d’incorporation auquel il se réfère, les définitions fournies par les exégètes, comme la responsabilité corporative ou la représentation corporative[101] s'avèrent inadéquates. Pour Zizioulas pourtant, dans le Christ, « personnalité corporative » par excellence, il ne s'agit pas d'une responsabilité ou d’une représentation mais d’une incorporation, d’une unité intrinsèque et ontologique. Finalement, c'est dans le cadre de cette ontologie appelée ailleurs relationnelle ou de communion, que se trouve pour lui le sens de la notion de « personnalité corporative ».
c. Une évaluation de l’appropriation par Zizioulas
Zizioulas utilise la notion d’emblée biblique de « personnalité corporative » à plusieurs reprises d’une manière assez indépendante par rapport à la théologie biblique. Son objectif est avant tout la présentation du Christ comme une véritable « personnalité corporative », un titre déterminant de son identité avec d’importantes conséquences ecclésiologiques. La notion de « personnalité corporative » exprime parfaitement pour Zizioulas l’unité de l’Un qui est le Christ avec le multiple qui est les fidèles. Cette unité se manifeste dans l’eucharistie où les chrétiens s’unissent en Christ et constituent son Corps qui est l’Église. En outre, la « personnalité corporative » s’avère la formule qui confirme la synthèse de Zizioulas entre christologie et pneumatologie car le Christ doit son identité corporative à l’Esprit qui le rend un être pneumatique. Avec cette synthèse Christ-Esprit en définitive, la « personnalité corporative » du Christ révèle tant l’unité entre christologie (personnalité du Christ) et ecclésiologie (corporative) que le caractère double de l’ecclésiologie (christologique et pneumatologique). Finalement, bien qu’il soit difficile de définir stricto sensu la « personnalité corporative » chez Zizioulas, le sens de cette incorporation (Christ-Église) ne peut pas être qualifié de représentatif ou analogique mais d’ontologique et réel.
Il convient de se demander si un tel usage de la notion biblique de la part du théologien grec est légitime ou s’il s’agit d’une certaine instrumentalisation de l’exégèse par la dogmatique. Certes, Zizioulas n’est pas un exégète mais un théologien qui a simplement utilisé les conclusions bibliques pour soutenir ses réflexions, en faisant un certain choix qui a priori est légitime. Il est remarquable que dans ce cas, Zizioulas profite de la notion avec une certaine liberté, voire originalité. Il reste fidèle à l’idée principale de cette unité réelle et fluide entre la personne et le groupe comme cela a été proposé par Robinson et De Fraine. En revanche, il ne se sent pas obligé de considérer tous les aspects du concept, comme le fait, par exemple, que n’importe quel individu-membre du groupe peut représenter le groupe. Une telle caractéristique ne convient pas au rapport Christ-église, puisque c’est exclusivement le Christ qui représente l’Église ; le Christ qui, à la fois, fait partie du groupe et reste une personne distincte.
À l’évidence, son objectif n'est pas de discuter une notion biblique. Il faut souligner que J. Zizioulas n’est pas tributaire dans son raisonnement des controverses bibliques. Comme nous l'avons estimé dans les lignes précédentes, Zizioulas tire bien profit de cette idée afin d'expliquer généralement le fait que toute théologie accepte que le Christ incorpore en lui son Église. Finalement, nous croyons que son argumentation ne dépend pas de résultats bibliques (souvent alors contestés) puisque le recours biblique vise à confirmer ses réflexions systématiques. Ceci veut dire que, même si la théorie de personnalité corporative est totalement détruite comme clé herméneutique dans l'exégèse (ce qui n’est pas le cas en réalité), ce fait n'exigerait pas la modification du système zizioulien[102]. Néanmoins, comme nous l’avons montré, tous les exégètes admettent d’une manière ou d’une autre l'existence dans la Bible des idées dispersées dites corporatives.
Conclusions
Le but de notre propos était de découvrir et « décrypter » une notion biblique, issue de l’exégèse du XXe siècle, qui a gagné en notoriété, surtout dans le monde orthodoxe, grâce à sa reprise par le Métropolite Jean Zizioulas. Nous avons entrepris d’esquisser un bilan de l’apparition et de l’évolution de la « personnalité corporative », notion fort critiquée mais non totalement abandonnée au sein de la théologie biblique. En présentant l’histoire de cette théorie et les différentes opinions et tendances jusqu’à nos jours, nous ne souhaitions en fait qu’ouvrir le dossier de « personnalité corporative », afin de préciser les origines de cette notion particulière mais peu connue. Le fait qu’il y ait d’une part encore des exégètes qui écrivent au sujet de cette notion et des théologiens qui s’en inspirent de l’autre, montre bien que l’on doit lui reconnaître une certaine fécondité.
Une des ouvertures que notre problématique nous a invité à envisager est le passage de ce concept biblique à la théologie dogmatique. À travers le cas de l’appropriation de « personnalité corporative » par Zizioulas, nous nous sommes interrogés sur la légitimité d’une telle adaptation systématique. En effet, la notion de « personnalité corporative » a été introduite et notamment appliquée dans l’exégèse vétérotestamentaire et moins aux textes du Nouveau Testament. L’usage du concept dans le cadre néotestamentaire (p. ex. pour le Christ, nouvel ou dernier Adam) a été moins discuté et quasiment jamais critiqué. Le Métropolite de Pergame a fait appel à juste titre à cet usage pour soutenir sa christologie. Mais si Zizioulas assume cette explication biblique, il va plus loin lorsqu’il se sert de la notion pour parler de sa doctrine eucharistique (le Christ se révèle en tant que « personnalité corporative » dans l’eucharistie) ou de sa pneumatologie (l’Esprit saint qui constitue le Christ une « personnalité corporative »). L’exemple de Zizioulas révèle une certaine liberté de la part du théologien qui, selon nous, ne doit pas être qualifiée d’instrumentalisation mais de manière créative de faire de la théologie.
Toutefois, une précision sur la terminologie et une conceptualisation s’avèrent toujours nécessaires pour assurer la pertinence et la crédibilité de chaque démarche. Ainsi, dans le cas de « personnalité corporative » de Zizioulas, nous avons soutenu (sans pouvoir malheureusement l’argumenter ici) qu’une distinction s’impose entre cette notion et l’idée plus vaste de l’un et du multiple afin d’éviter tout malentendu. À titre d’exemple, le Métropolite Jean associe cette idée avec d’autres domaines comme la théologie trinitaire. Mais il serait risqué d’appeler Dieu le Père une « personnalité corporative » de la Trinité (quelque chose que Zizioulas, certes, ne fait pas). Pour cela, nous avons proposé d’envisager la « personnalité corporative » en dogmatique comme une catégorie christologique, conformément en outre avec ses origines bibliques. En revanche, nous avons tenté de montrer ailleurs[103] qu’une application est possible à l’évêque en tant qu’icône du Christ au sein de la communauté eucharistique, à condition de préciser tant le concept de l’icône que le sens de la « personnalité corporative » dans ce cas.
La question de la légitimité de l’application des résultats de la théologie biblique à la théologie dogmatique nous amène à réfléchir sur un thème plus ample, à savoir le rapport entre l’exégèse et la théologie. Dans le cadre de la théologie catholique romaine, le problème du rapport entre les deux disciplines théologiques, renforcé par l’émergence de la méthode historico-critique et les exigences épistémologiques modernes, a fait l’objet de débats et de réflexions fécondes[104]. La notion étudiée ici nous montre peut-être le chemin d’un dialogue et d’une collaboration entre l’exégèse et la dogmatique qui est à rechercher dans le champ théologique orthodoxe contemporain[105].
Pour terminer, la notion de « personnalité corporative » demeure d’une actualité étonnante et mérite une considération plus approfondie, puisqu’elle nous renvoie à une problématique à la fois philosophique et théologique, toujours à éclairer : la réconciliation entre l’unité et la pluralité, l’individuel et le collectif, le particulier et l’universel...
Περίληψη
Ἡ βιβλική ἔννοια τῆς συλλογικῆς ἤ ἀνακεφαλαιωτικῆς προσωπικότητας (corporate personality) γνώρισε διάδοση στή νεώτερη ὀρθόδοξη γραμματεία κυρίως χάρη στήν ἀξιοποίησή της ἀπό τόν Μητροπολίτη Περγάμου Ἰωάννη Ζηζιούλα, δίχως ὅμως συχνά νά εἶναι σαφής ἡ ἀκριβής σημασία ἤ προέλευσή της. Μέ δεδομένη τήν κριτική πού ἔχει ἀσκηθεῖ γιά τή χρήση αὐτῆς τῆς ἰδέας (π.χ. Ware), τήν ἐφαρμογή της καί σέ ἄλλα ἐπίπεδα (ὅπως γιά τόν ἐπίσκοπο) ἀλλά καί τήν ἔλλειψη μιᾶς κατατοπιστικῆς μελέτης, τό παρόν ἄρθρο ἐπιχειρεῖ νά ἀπάντήσει στά ἐρώτηματα: ποιά εἶναι ἡ ἔννοια τῆς ἀνακεφαλαιωτικῆς προσωπικότητας στή βιβλική θεολογία; πώς καί πότε γεννήθηκε; πώς μεταφέρθηκε ἀπό τή βιβλική στή δογματική θεολογία; Γιά τόν λόγο αὐτό, γίνεται ἀναδρομή στό ἔργο τοῦ διακεκριμένου βρετανοῦ βιβλικοῦ θεολόγου H. Wheeler Robinson ὁ ὁποῖος εἰσήγαγε στίς ἀρχές μόλις τοῦ 20ου αἰώνα τήν ἔκφραση corporate personality δανεισμένη ἀπό τό ἀγγλικό δίκαιο γιά νά ἐξηγήσει πρόσωπα καί γεγονότα κυρίως τῆς Παλαιᾶς Διαθήκης πού ἀφοροῦν τήν παράδοξη σχέση ἐναλλαγῆς ἀνάμεσα στό πρόσωπο καί μία συλλογική ὁμάδα. Ἡ σχετική ἑρμηνευτική θεωρία του Robinson κέρδισε ἔδαφος στά βιβλικά ἐγχειρίδια μέχρι πού στά μέσα τοῦ περασμένου αἰώνα τέθηκε σέ κριτική ἐξαιτίας τῶν ἀνθρωπολογικῶν καί κοινωνιολογικῶν της προϋποθέσεων. Ἡ ἀκροθιγής παρουσίαση τῆς σχετικῆς παλαιότερης κριτικῆς ἀλλά καί ἡ ἐξέταση τῆς νεώτερης ἔρευνας καί βιβλιογραφίας ὁδηγεῖ στό συμπέρασμα ὅτι ἡ θεωρία αὐτή δέν πρέπει νά ἐγκαταλειφθεῖ στό σύνολό της ἀλλά χρειάζεται διόρθωση σέ κάποια σημεῖα της. Ὁ πυρήνας τῆς ἔννοιας, ἤτοι ἡ ὕπαρξη συλλογικῶν ἤ ἀκριβέστερα «συσσωματικῶν» ἰδεῶν πού χαρακτηρίζουν τή σχέση τοῦ προσώπου μέ ἕνα σύνολο/ὁμάδα, ἐπιβεβαιώνεται ὅτι χαρακτηρίζει τή θεολογία τῆς Βίβλου. Μέ βάση τά πορίσματα αὐτά γίνεται μία σύντομη παρουσίαση τῆς χρήσης τῆς ἔννοιας ἀπό θεολόγους καί κυρίως ἀπό τόν Ἰωάννη Ζηζιούλα. Ὁ τελευταῖος υἱοθετεῖ μέ ἕνα δημιουργικό τρόπο τή σχετική βιβλική ἔννοια καθιστώντας την βασικό πυλώνα τῆς χριστολογίας του, ἐγχείρημα πού κρίνεται θεμιτό. Τέλος, μέσα ἀπό τό παράδειγμα τοῦ Ζηζιούλα, τίθεται ἀφενός τό θέμα τῆς ἀξιοποίησης ἤ ἐργαλειοποίησης τῶν πορισμάτων τῆς βιβλικῆς ἔρευνας ἀπό τούς δογματoλόγους καί ἀφετέρου τό εὐρύτερο ζήτημα τῆς σχέσης βιβλικῆς καί δογματικῆς θεολογίας.
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[1] Dans notre mémoire, nous avons pu montrer que même si le Métropolite n’utilise pas la notion de « personnalité corporative » pour l’évêque, il ressort aisément qu’une telle application est possible grâce à l’association existant entre le Christ et l’évêque. Cf. « Mais le Peuple de Dieu, le Nouvel Israël, le « multiple » devrait être compris comme uni dans l’Un qui les assumés, l’Agneau de Dieu qui gît sur la table eucharistique. En cette tâche consistait exactement le contenu ecclésiologique de l’évêque à la tête de la communion eucharistique. Précisément comme par le Christ unique « la multitude » est sauvée, revenant à Dieu et devient prêtre de la création, offrant celle-là de nouveau au Créateur, de la même façon dans l’eucharistie le Peuple de Dieu uni en un corps s’offre lui-même et la création à Dieu par les mains de l’évêque, qui devient ainsi l’ « image du Christ ». La prééminence décisive de l’évêque dans l’ecclésiologie repose précisément sur la place qu’il possède dans la communauté eucharistique et non sur n’importe quel office de nature juridique ». Zizioulas Jean, « Les groupes informels dans l'Église. Un point de vue orthodoxe » dans L'Église et ses institutions, Paris, Cerf, 2011, p. 321.
[2] Papathomas Grigorios « Le rôle de l’Évêque au sein de l’Église » dans FOI [Fraternité Œcuménique Internationale-Lyon], n° 4 (1-3/2005), p. 28 (c’est l’auteur qui souligne).
[3] À notre connaissance, son Eminence évite de traduire le terme dans ses publications en grec. Le P. Papathomas opte pour l’expression grecque « ανακεφαλαιωτική προσωπικότητα » qui signifie précisément « personnalité récapitulative ». Hormis « ανακεφαλαιωτική », les autres termes également proposés sont : « συλλογική » (collective) ou « συσσωματική » (un néologisme qui, littéralement, est le plus proche du sens « corporatif »). En tout cas, il est vrai qu’il n’existe pas d’unanimité sur la traduction du terme « corporative » en grec moderne. Par ailleurs, notons que, comme nous le verrons, la traduction en français du mot corporate par corporative a aussi été critiquée.
[4] Cf. McPartlan Paul, The Eucharist Makes the Church: Henri de Lubac and John Zizioulas in Dialogue, Edinburgh, T & T Clark, 1993, pp. 166-186. L’auteur considère la personnalité corporative comme l’axe principal de la pensée de Zizioulas et en fait une analyse importante. Toutefois, il ne s’interroge pas sur l’origine de la notion et il l’identifie avec l’idée de l’un et du multiple. Comme nous le montrerons plus bas, il faut absolument, selon nous, opérer une distinction entre les deux notions, une distinction d’ailleurs peu nette chez Zizioulas.
[5] P. ex. le P. Bobinskroy écrit : « Ce thème central de la "personnalité corporative" du Christ dans la pensée du métropolite Jean n’est pas sans poser des questions à la conscience théologique orthodoxe. La personne elle-même semblerait se fondre dans cette personnalité corporative. Pourtant, dans sa kénose, le Christ entre bien dans la solitude et ce n’est que dans la descente aux enfers et dans la glorification qu’"Il attire tous les hommes à Lui" (Jn 12, 32), qu’Il récapitule l’Adam total et qu’Il devient Christ et Saveur (Ac 2,36 ; 4, 11 ; 5, 31 et Ph 2, 11) » : Bobrinskoy Boris, Le mystère de l’Église, Paris, Cerf, 2003, p. 124, note 1.
[6] Ware Kallistos, « Sobornost and eucharistic ecclesiology: Aleksei Khomiakov and his successors » dans International Journal for the Study of the Christian Church, vol. 11, 2-3 (May-August 2011), pp. 216-235, ici p. 231: « I find the use that Zizioulas makes of the concept of ‘corporate personality’ to be unclear and confusing. The authors that he cites for the use of this notion in the Old Testament, such as H. Wheeler Robinson and A. R. Johnson, were writing more than a half a century ago. How far are the ideas still accepted by contemporary Old Testament specialists? ». Ware dans deux notes renvoie aux quelques passages de Zizioulas et aussi à la discussion de la notion par McPartlan, en faisant le juste reproche que McPartlan ne critique pas cet usage.
[7] Théologien et exégète influent, H. W. Robinson était professeur à l’Université d’Oxford et auteur des plusieurs ouvrages sur la théologie de l’Ancien Testament, les doctrines du Saint Esprit et de la Rédemption. Cf. « Henry Wheeler Robinson », dans The Oxford Dictionary of the Christian Church, F. L. Cross (éd.), New York, Oxford University Press, 1990, p. 1191. Voir aussi une présentation plus détaillée : Mol Jurrien, Collective and individual responsibility, A description of corporate personality in Ezekiel 18 and 20, Leiden/Boston, Brill, 2009, coll. Studia Semitica Neerlandica 53, pp. 111-114.
[8] Audet Jean-Paul, « Review : De Fraine J., Adam et son lignage » dans Revue Biblique, v. 67, Paris, 1960, p. 297.
[9] Selon Rogerson, Robinson fait une allusion au concept en 1907, mais il l'introduit dans l'ouvrage : Robinson H. Wheeler, The Christian Doctrine of Man, Edinburgh, 1911. Cf. Rogerson John William, « Corporate Personality » dans The Anchor Bible Dictionnary, v. 1, D. N. Freedman (éd.), New York, Doublebay, 1992, p. 1156.
[10] Cf. Rogerson J. W., « Corporate Personality », op.cit.
[11] Cf. Robinson Wheeler H., « Hebrew Psychology », dans The people and the Book, A. S. Peake (éd.), Oxford, University Press, 1925, p. 357.
[12] Is. 42, 1-4 ; 49, 1-6 ; 52, 13 ; 53, 12.
[13] Robinson Wheeler H., The cross of the servant (pp. 55-114) dans The Cross in the Old Testament, London, SCM Press, 1955, p. 57. Cet article a d'abord été publié en 1925.
[14] Robinson Wheeler H., « The Hebrew conception of corporate personality », dans Werden und Wesen des Alten Testaments, Beihefte zur Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft, 66, Berlin, Töpelmann, 1936, pp. 49-61. Le même texte a été réédité dans l'ouvrage : Robinson Wheeler H., Corporate Personality in Ancient Israel, Philadelphia, Fortress, 1964.
[15] P. ex. les descendants de Saül (2 S 21) ; la responsabilité de toute une ville pour un meurtre (Dt 25, 5ff) ; les iniquités des pères aux enfants (Ex 25, 5) ; la pratique de vendetta (Gn 4, 15, 24 ; Ex 21, 23-25).
[16] Op. cit., p. 49, traduit par De Fraine : De Fraine Jean, Adam et son lignage : études sur la notion de « personnalité corporative » dans la Bible, Paris, Desclée de Brouwer, 1959, p. 17.
[17] Op. cit., p. 50. Toutes les citations seront traduites par nos soins. Dans le cas contraire, nous l’indiquerons. « 1) the unity of its extension both into the past and into the future ; 2) the caracteristic "realism" of the conception, which distinguishes it from the "personification", and makes the group a real entity actualized in its members ; 3) the fluidity of reference, facilitating rapid and unmarked transitions from the one to the many and from the many to the one ; 4) the maintenance of the corporate idea even after the development of a new individualistic emphasis within it. ». Cf. comment De Fraine analyse les quatre aspects : De Fraine J., Adam et son lignage : études sur la notion de « personnalité corporative » dans la Bible, op. cit., p. 18ff.
[18] Cf. op. cit., p. 55.
[19] Pour une présentation analytique et quasi exhaustive, nous renvoyons à : Mol Jurrien, Collective and individual responsibility, op.cit., pp. 111-161.
[20] À titre indicatif : Pedersen S., Israel: Its Life and Culture I-II, London, Oxford University Press, 1926 ; Johnson Aubrey R., The One and the many in the Israelite conception of God, Gardiff, University of Wales Press, 1942 ; Anderson G. W. , The History and the Religion of Israel, Oxford, OUP, 1966; Rowley H.H., The re-discovering of the Old Testament, London, J. Clarke, 1945, pp. 152-153; Eissfeldt O., Der Gotteskecht bei Deuterojesaja, Hale, 1993 (les pp. 12-24); Daube D., Studies in Biblical law, Cambridge, 1947. Pour une liste des auteurs, tributaires de Robinson ou pas, qui ont élaboré la notion de la « personnalité corporative » voir : De Fraine J. op.cit., pp. 230-231 note 28 ; Rogerson J. W., « Corporate Personality », op.cit., p. 1157. Pour l'analyse très détaillée et globale de chaque auteur qui utilise la notion, voir l’étude récente et très éclairante de Mol J., op.cit., pp. 162-186.
[21] En effet, il est notable que dans la bibliographie relative, De Fraine est le seul Français alors que la majorité des auteurs sont anglais ou allemands.
[22] En français, il s'agissait certainement d'un néologisme théologique qui a été d'emblée critiqué par Audet. Ainsi ce dernier propose la traduction "personnalité incorporante" au lieu de "corporative". Cf. Audet J.-P., op.cit., p. 297.
[23] Cf. De Fraine J., op.cit., p. 16.
[24] Op.cit., p. 18.
[25] Cf. op.cit., pp. 18-41.
[26] Op.cit., p. 43.
[27] Op.cit., p. 223.
[28] On trouve bien sûr aussi chez Robinson des références au corps du Christ. Par exemple dans « The Hebrew conception of corporate personality », op.cit., pp. 52 et 57 ; The Cross in the Old Testament, op.cit., p. 112. Mais De Fraine le fait ici plus systématiquement.
[29] De Fraine J. op.cit., pp. 222-223.
[30] De Fraine J. op.cit., p. 220.
[31] De Fraine J. op.cit., p. 221.
[32] De Fraine J. op.cit., p. 220.
[33] Audet J.-P., op.cit., p. 298.
[34] Bien qu'il reconnaisse que le travail de De Fraine est intéressant, Audet exerce sa critique sur la terminologie adaptée en français (comme on l'a vu dans une note au-dessus) et sur une insuffisance à prouver la pertinence de la notion : cf. Audet J.-P., op.cit., pp. 297-298. Dans une autre critique, Coppens repère aussi de nombreux défauts et revendique une étude plus approfondie : cf. Coppens Joseph, « Review » dans Ephemerides Theologicae Lovaniensis, v. 36, 1960, pp. 488-490.
[35] Alors que ces critiques n’annulent absolument pas son résultat, il est enfin difficile de tracer la postérité de l’œuvre de De Fraine, qui ne semble pas avoir exercé une forte influence dans la théologie biblique du moins francophone.
[36] Porter Joshua Roy, « The Legal Aspects of Corporate Personality in the Old Testament », dans Vetus Testamentum, v. 15, 1965, p. 361.
[37] Op.cit., p. 379.
[38] Rogerson John William, « The Hebrew Conception of Corporate Personality : A re-examination » dans Anthropological approaches to the Old Testament, Bernhard Lang (éd.), Philadelphia, Forteress Press, 1985, pp. 43-59, (publié d'abord dans Journal of Theological Studies, v. 21, 1970, pp.1-16).
[39] Op.cit., p.47.
[40] On voit bien les influences de Lévy-Bruhl dans The Cross in the Old Testament, op.cit., pp. 76-77.
[41] Rogerson John William, Anthropology and the Old Testament, Oxford, Basil Blackwell, 1978, pp. 55-56 et 58-59.
[42] Op.cit., p. 56.
[43] Ibid.. Il accepte que « parts of the OT appears to imply what might be called a 'corporate' sense of an individual figure or speaker ».
[44] Dans la même ligne se trouve également la critique suivante : Porter E. Stanley, « Two Myths : Corporate Personality and Language/Mentality Determinism » dans Scottish Journal of theology, 43, 1990, pp. 289-307.
[45] Perriman Andrew, « The corporate Christ: re-assessing the jewish background », dans Tyndale Bulletin, v. 50, Cambridge, 1999, pp. 242-246.
[46] Op.cit., p. 263.
[47] Kaminsky Joel S., Corporate Responsibility in the Hebrew Bible, Sheffield, 1995, coll. JSOTSup 196.
[48] Op.cit., p. 112.
[49] Op.cit., pp. 19-22.
[50] Cf. Powers Daniel G., Salvation through Participation, an examination of the notion of the believers' corporate unity with Christ in early Christian soteriology, Leuven, Peeters, 2001, p. 17.
[51] Cf. Rogerson J. W., « The Hebrew Conception of Corporate Personality...», op.cit., p. 57. Porter J. R., op.cit., p. 379.
[52] Kaminsky Joel S., « Corporate Personality » dans Eerdmans Dictionary of the Bible, D. N. Freedman, Michigan/Cambringe, Wm. B. Eerdmans Publishing Company, 2000, p. 286.
[53] Cf. Mol Jurrien, Collective and individual responsibility, op.cit., pp. 261-262. Nous pensons qu'il s'agit d'une étude intégrale de la notion de personnalité corporative.
[54] Elle propose ainsi : « By different ideas such as bloodguilt, ancient conceptions of property rights, and violation of holiness taboos».
[55] Cf. Kaminsky J. S., « Corporate Personality », op.cit., p. 286.
[56] Comme le prétend également Mendenhall G. E. (« The relation of the Individual to Political Society in Ancient Israel » dans Biblical Studies in Memory of H. C. Alleman, N. York, Augustin, 1960, pp. 89-108).
[57] Ellis E. Earle, Pauline theology: Ministry and Society, Grand Rapids, Eerdmans, 1989 (re-edition: University Press of America, 1997), pp. 9-10, cité dans Son Sang-Won (Aaaron), Corporate elements in Pauline Anthropology. A study of selected terms, idioms, and concepts in the light of Paul’s usage and background, Roma, Editrice Pontificio Istituto Biblico, 2001, coll. “Analecta Biblica” 148, p. 79. Son fait une présentation remarquable et très éclairante de l’état de la question : pp. 75-82.
[58] Kaminsky Joel S., Corporate Responsibility, op.cit., p. 20.
[59] Ellis E. Earle, Prophesy and Hermeneutic in Early Christianity: New Testaments Essays, Tübingen, J. C. B. Mohr, 1978, p. 170, n. 89.
[60] Son S. –W., op.cit., p. 79.
[61] Cf. Rogerson J. W., Anthropology and the Old Testament, op.cit., p. 58, où Rogerson fait des reproches à A. R. Johnson pour les influences de Lévy-Bruhl dans son livre The One and the many in the Israelite conception of God, Gardiff, University of Wales Press, 1942. Aussi les deux critiques à l’égard de De Fraine.
[62] De fait, De Fraine se réfère souvent à Levy-Bruhl dont la théorie était très contestée par Rogerson (cf. la note précédente). Par ailleurs, la négation de la notion de « personnalité corporative » est due à la négation des idées de Levy-Bruhl dont elle est, selon Rogerson, tributaire.
[63] Rogerson J. W., « Corporate Personality », op.cit., p. 1157.
[64] Powers D. G., op.cit., p. 17.
[65] «Adam is the "corporate personality" of the race, over against Christ as the "corporate personality of his body, the Church» cité par Rogerson : Rogerson J. W., « The Hebrew Conception of Corporate Personality...», op.cit.,p. 47.
[66] Cf. Rogerson J. W., « Corporate Personality », op.cit., p. 1156.
[67] Cf. Rogerson J. W., « The Hebrew Conception of Corporate Personality...», op.cit., p. 47.
[68] Kaminsky J. S., « Corporate Personality », op.cit., p. 286.
[69] Ibid.. Le fait que les ouvrages de Kaminsky et Mol portent le titre Corporate responsibility est parlant.
[70] Cf. Wansbrough H., « Corporate Personality in the Bible: Adam and Christ-a biblical use of the concept of personality » dans New Blackfriars, v. 50, 1969, pp. 798–804 ; Son S. –W., op.cit., pp. 39-82; Ridderbos H., Paul: An outline of his Theology, London, SPCK, 1977, p. 61ff. ; Fatehi Mehrdad, The Spirit's Relation to the Risen Lord in Paul: an Examination of its Christological Implications, Tübingen, Mohr Siebeck, 2000, pp. 265-269 ; Beker J. C., Paul the Apostle, Edinburgh, T&T Clark, 1980, p. 272ff. ; Best E., One Body in Christ, London, SPCK, p. 20ff. Pour la typologie Adam-Christ et la personnalité corporative voir surtout : Ellis E., Pauline theology: Ministry and Society, op.cit. pp. 10-13 ; idem., The Old Testament in Early Christianity : Canon and Interpretation in the Light of Modern Recherch, Grand Rapids, Baker, 1992, p. 112 ; Shedd R. Philip, Man in Community: A study of St. Paul’s Application of Old Testament and Early Jewish Conceptions of Human Solidarity, Grand Rapids, Eerdmans, pp. 97-125 ; Moule C. F. D., The Origin of Christology, Cambridge, Cambridge University Press, 1977, pp. 45-46 ; Quek S.-H., “Adam and Christ according to Paul” dans Pauline Studies: Essays Presented to F.F. Bruce on His 70th Birthday, Grand Rapids, Eerdmans, 1980, p. 73 ; Bruce F.F., The Letter of Paul to Romans, Grand Rapids, Eerdmans, 1985, pp. 119-120.
[71] Ainsi, nous pouvons soutenir que cet aspect de l’œuvre de De Fraine a été plutôt reçu. Pour la dialectique Adam-Christ chez De Fraine, à part Adam et son lignage, pp. 202-217 (en anglais : Adam and the Family, pp. 142-152) voir aussi : idem., « Adam and the Christ as Corporates Personalities » dans Theology Digest, v. 10, (spring) 1962, pp. 99-102.
[72] Rogerson J. W., « Corporate Personality », op.cit. p. 1157.
[73] Kaminsky J. S., « Corporate Personality », op.cit., p. 287.
[74] De Fraine J. op.cit., p. 223.
[75] De Fraine J. op.cit., p. 224.
[76] Ibid.
[77] À titre indicatif, Berkouwer, G. C., Sin. Studies in Dogmatics, Grand Rapids, Eerdmans, 1971 (surtout pp. 511-518); Porter Stanley E., “The Pauline Concept of Original Sin in light of Rabbinic Background” dans Tyndale Bulletin, 41.1, 1990, pp. 3-30.
[78] Ratzinger Joseph, Das neue Volk Gottes, Düsseldorf, Patmos-Verlag, 1970, p. 81 ; id., Le nouveau peuple de Dieu, Paris, Aubier, 1971, p. 177 ; id., « L’idée de l’Église dans la pensée patristique » dans Pour une nouvelle image de l’Église, Gembloux, Duculot, 1970, pp. 35, 37 ; id., « De l’origine et de l’essence de l’Église » dans Le nouveau peuple de Dieu, p. 13. AJOUT 12/11/2015.
[79] Ratzinger Joseph, Foi chrétienne, hier et aujourd’hui, Paris, Mame, 1969, p. 160.
[80] Ratzinger Joseph (Benoît XVI), Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, Paris, Rocher, 2011, p. 253 : « Conformément au modèle de la ‘personnalité corporative’, l'Église antique – selon le mode de penser de la Bible – n'a eu aucune difficulté, d'une part à reconnaître Marie, d'une manière toute personnelle, dans la femme et, d'autre part, à voir en elle, embrassant tous les temps, l'Église, épouse et mère, en qui le mystère de Marie s'étend dans l'histoire ».
[81] Rahner Karl, « Dignité et liberté de l’homme » dans Écrits théologiques, tome V, Paris, Desclée de Brouwer, 1966, pp. 171-172. D’un point de vue anthropologique, pour Adam en tant que personnalité corporative voir : Leon-Dufour Xavier, « Homme » dans Vocabulaire de théologie biblique, Paris, Cerf, 1999 (9e éd.), pp. 539-549.
[82] Cf. Tillard Jean-Marie R., L’évêque de Rome, Paris, Cerf, 1982, pp. 195-203. « Primauté et collégialité actualisent ainsi au niveau du ministère, dans l’Église entière, la relation communionnelle de l’un et de plusieurs et leur simultanéité constitutive. Le "primat" ne remplace pas le concile. Le concile ne remplace pas le "primat" » (p. 199). Tillard renvoie à Zizioulas et apparemment identifie la « personnalité corporative » et « l’un et le multiple ». On constate ici également le besoin de distinguer les deux notions.
[83] Cf. Congar Yves, « Bulletin d'ecclésiologie » dans Revue de Sciences Théologiques et philosophiques, v. 66 (1982), pp. 118-119. Legrand Hervé, « La réalisation de l'Église dans un lieu » dans Lauret B. et Refoulé F. (dir.), Initiation à la pratique de la théologie, Tome III : Dogmatique 2, Paris, Cerf, 1993, p. 287 note 167. Congar dit que : « ce concept ne nous paraît pas heureux ici, car il s’applique là où un seul est à l’origine de tout un corps : Adam pour son "lignage" (J. De Fraine), le Christ pour son corps mystique. Je préfère le concept de "représentation" tel que le juriste C. Schmitt l’avait proposé. » (p. 119). Il est remarquable que Congar fasse ensuite appel à Zizioulas : « Le très intéressant schème ''One and many" emprunté à J. Zizioulas (cf. supra ; Tillard p. 198) nous semble correspondre au concept de "représentation" et à ce que le N.T. nous montre de Pierre, et ne pas être l’équivalent du "corporate personality" de H. W. Robinson ». D’une certaine manière Congar confirme notre opinion pour une distinction entre « one et many » et la « personnalité corporative ». Cependant, notre raisonnement contre l’opinion de Tillard est différent. Le pape est une « personnalité corporative » mais seulement de sa communauté eucharistique, i.e. l’Église de Rome, comme chaque évêque son diocèse. L’évêque, en tant qu’icône du Christ par excellence, ne représente pas simplement mais d’une manière iconique (εἰκονολογικά au sens du mot chez Zizioulas) incorpore en lui toute son Église locale. Il en ressort que le pape n’est pas une « personnalité corporative » par rapport au collège épiscopal puisqu’il n’y a pas de rapport eucharistique (au sens d’une communauté eucharistique) entre le pape et les évêques. C’est l’Eucharistie qui fait que l’évêque est « personnalité corporative ». La concélébration des évêques et du primat ne constitue pas une communauté eucharistique ; elle est une manifestation de la communion des Églises locales. En revanche, l’élément de l’interdépendance propre à l’idée de « l’un et du multiple » convient parfaitement au rapport entre le primat et les évêques.
À propos du commentaire de Congar, une précision s’impose. Nous ne pouvons sûrement pas prétendre que l’évêque est à l’origine de sa communauté comme le Christ est à l’origine de son corps. Ce qui peut rendre équivalent les deux cas, le Christ et l’évêque, pourtant radicalement différents, est la fonction iconique du ministère de l’évêque. Ainsi, comme le Christ a incorporé et récapitulé en lui la multitude (son corps, l’Église) pour l’offrir à Dieu, de même l’évêque, en tant que son icône eucharistique par excellence, incorpore en lui sa communauté. Comme le Christ, l’évêque à la fois convoque et unit sa communauté dans l’Eucharistie, et préserve sa diversité par sa charge d’ordonner et de distribuer les charismes (une charge qui le distingue du prêtre, qui est également icône du Christ dans la présidence de l’eucharistie).
[84] Nous avons entrepris cette recherche dans notre mémoire cité au début du texte.
[85] À l'exception de l'étude « Ministry and Communion » (cf. note suivante), où il n'est pas question de la dialectique de l’un et du multiple mais du langage typologique des Pères, lorsqu’ils parlent de la relation entre l'évêque (ou le prêtre) et le Christ. Zizioulas prétend que le sens de ce rapport typologique n'amène pas à une représentation de quelqu'un qui est absent mais à « l'idée de représentation par participation comme indiqué dans l'image de la "personnalité corporative" ».
[86] Cf. Zizioulas Jean, L'Eucharistie, l'Évêque et l'Église durant les trois premiers siècles, Paris, Cerf, 2011 (1e éd. en grec 1965), p. 75, note 3 ; « La communauté eucharistique et la catholicité de l’Église » dans L'être ecclésial, Genève, Labor et Fides, 1981, p. 113, note 7 ; « L'eucharistie : quelques aspects bibliques » dans L'Église et ses institutions, Paris, Cerf, 2011, pp. 273-276 (et note 2) ; « Les groupes informels dans l'Eglise. Un point de vue orthodoxe » dans L'Église et ses institutions, op.cit.,, p. 318 ; « Ministry and Communion » dans Being as communion, Studies in Personhood and the Church, New York, St Vladimir’s Seminary Press, 1985, p. 230.
[87] Cf. Zizioulas J., « The Pneumatological Dimension of the Church » dans The one and the many, Alhambra (California), Sebastian Press, 2010, p. 78; « La continuité avec les origines apostoliques dans la conscience théologique des Églises orthodoxes » dans L'être ecclésial, op.cit., p. 147; « Vérité et communion » dans L'être ecclésial, op.cit., pp. 97-98, note 108 ; « Christologie, pneumatologie et institutions ecclésiales » dans L'Église et ses institutions, op.cit., p. 16 ; « Ecclesiogical Presuppositions of the Holy Eucharist » dans The one and the many, op.cit., p. 68 ; « L'évêque selon la doctrine théologique de l'Église orthodoxe » dans L'Église et ses institutions, op.cit., p. 379 ; « The early Christian Community » dans The one and the many, op.cit., p. 152 ; « Le mystère de l'Eglise » dans L'Église et ses institutions, op.cit., pp. 97-102 ; « L'Église comme communion » dans L'Église et ses institutions, op.cit., p. 106 ; « Le Christ, l'Esprit et l'Église », dans Prêtres Diocésains, 1366, Mars-Avril 1999 (numéro spécial), p. 172 ; « The Church as the Mystical Body of the Christ : Towards an Ecclesial Mysticism » dans Communion and otherness, Further Studies in Personhood and the Church, New York, T&T Clark, 2006, p. 290.
[88] « Human capacity and Human Incapacity » (1975) Communion and otherness, op.cit., p. 213, n. 14. « On being a Person. Towards an Ontology of Personhood » (1991) Communion and otherness, op.cit., p. 105.
[89] Zizioulas J., « Christologie, pneumatologie et institutions ecclésiales » dans L'Église et ses institutions, p. 26.
[90] Ibid. Dans ce texte, on trouve le terme "collective" au lieu de "corporative" qui est utilisé dans tous les autres textes de Zizioulas. Par ailleurs, la traduction anglaise du même texte utilise bien le terme "corporative" (Being as communion, op.cit., p. 130). Il s'agit probablement d'un choix malheureux de la traduction du texte en français.
[91] Zizioulas J., « La communauté eucharistique et la catholicité de l'Église » dans L'être ecclésial, op.cit., p. 113, note 7. En fait, dans les années soixante, pendant lesquelles ce texte a été écrit (1969), la théorie n'était pas encore mise en doute.
[92] Parmi les dix-sept références que nous venons de citer, la bibliographie ne figure que neuf fois. Zizioulas semble ne pas prendre en compte les critiques de la théorie, bien qu'il dise que « certains exégètes » ont proposé la notion de personnalité corporative. Étant donné que Zizioulas n'ouvre pas un "dialogue" avec la bibliographie citée, nous ne savons pas à quel point il a vraiment étudié ces ouvrages et aussi s'il ignorait les réactions contre cette notion.
[93] Pedersen S., Israel: Its Life and Culture I-II, London, Oxford University Press, 1926.
[94] Robinson Wheeler H., « The Hebrew conception of corporate personality », dans Werden und Wesen des Alten Testaments, Beihefte zur Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft, 66, Berlin, Töpelmann, 1936, pp. 49-61.
[95] Johnson Aubrey R., The One and the many in the Israelite conception of God, Gardiff, University of Wales Press, 1942.
[96] De Fraine Jean, Adam et son lignage : études sur la notion de "personnalité corporative" dans la Bible, Paris, Desclée de Brouwer, 1959.
[97] Par deux fois, il cite seulement De Fraine : L'Eucharistie, l'Évêque et l'Église durant les trois premiers siècles, op. cit., p. 75, note 3 ; « L'eucharistie : quelques aspects bibliques » dans L'Église et ses institutions, op.cit., p.273 note 2. C'est la conclusion aussi de P. McPartlan, basée sur un texte inédit qu’il avait à sa disposition et qui semble, selon les citations de l'auteur, fondamental puisque Zizioulas développe davantage la réception de la notion dans sa théologie et discute les positions de Robinson : [« Pneumatology in Relation avec Christology et Ecclesiology » : Notes de P. McPartlan du cours donné par Jean Zizioulas à l'université pontificale Grégorienne, Rome, Mars-Avril 1984]. Cf. McPartlan Paul, The Eucharist Makes the Church: Henri de Lubac and John Zizioulas in Dialogue, Edinburgh, T & T Clark, 1993, p. 171.
[98] Il convient ici de faire une brève parenthèse à propos du rapport entre la notion de « personnalité corporative » et l’idée de « l’un et du multiple » (the One and the Many). Selon nous, il faut opérer une distinction, que Zizioulas ne fait pas explicitement mais qui est nécessaire pour éviter une éventuelle confusion. Le concept de l’unité et l’interdépendance de « l’un et du multiple » nous semble être une catégorie plus large tandis que la notion de « personnalité corporative » paraît être une catégorie plus adéquate et pertinente en christologie. D’où nous caractérisons « l’un et le multiple » comme une catégorie trinitaire et la « personnalité corporative » comme une sous-catégorie christologique. Nous en expliquons cette thèse dans notre mémoire de maîtrise et nous envisageons d’aborder ce thème dans une publication à venir.
[99] C'est le cas de McPartlan : Op.cit., pp. 171-183.
[100] Zizioulas J., « Le mystère de l'Eglise » dans L'Église et ses institutions, op.cit., pp. 101-102.
[101] Cf. Rogerson J. W., « Corporate Personality », op.cit. p. 1156.
[102] Sur ce point, nous ne partageons pas l'opinion de McPartlan qui considère que le débat exégétique sur le concept « a clairement rapport avec Zizioulas et sa théologie » : McPartlan P., The Eucharist Makes the Church, op.cit., p. 300.
[103] Il s’agit aussi de notre mémoire. Νous envisageons une publication à l’avenir sur le thème « L’évêque en tant que ‘personnalité corporative’ de son Église locale ».
[104] Cf. p.ex. Ganoczy Alexandre « Le fondement biblique du discours dogmatique » dans Concilium 158, 1980, pp. 111-119 ; Bouillard Henri, « Exégèse, herméneutique et théologie. Problèmes de méthode », dans Exégèse et herméneutique, Leon-Dufour X. (dir.), Paris, Seuil, 1971, coll. Parole de Dieu, pp. 271-283 ; Gagey Henri-Jérôme et Souletie Jean-Louis « Encore une fois, exégèse et dogmatique » dans La théologie dans l’histoire, Paris, Beauchesne, 1997, pp. 17-56.
[105] Selon Ganoczy, afin d'arriver à une collaboration cordiale et féconde, la dogmatique et l'exégèse doivent avoir conscience de la différence de leurs méthodes et de leurs thématiques, ainsi que de «l'obligation d'une relativité réciproque », parce que « c'est 'l'unique' herméneutique de la foi chrétienne qu'il faut réaliser : seulement chacun y prend part à sa manière spécifique dans sa spécialité » Ganoczy A., op.cit., p. 119.