Jean Zizioulas
Edition: Labor et Fides
Perspective orthodoxe No 3 - Collection dirigée par Christos Yannaras
Jean Zizioulas, théologien orthodoxe, professeur de théologie systématique à l'Université de Glasgow, est né en Grèce en 1931. Après ses études à la Faculté de théologie de l'Université d'Athènes, il se spécialise, à Har-ward, en histoire de l'Eglise des trois premiers siècles. Son premier ou-vrage, «L'unité de l'Eglise dans l'eucharistie et dans l'épiscopat durant les trois premiers siècles», a joué un rôle décisif dans la clarification théologique et historique de l'ecclésiologie eucharistique propre à la chrétienté indivise. Jean Zizioulas s'est fait un nom par les contributions fondamentales qu'il apporte dans le dialogue théologique œcuménique.
L'être ecclésial est tout à la fois un livre théologique fidèle aux exigences de la recherche scientifique et un défi lancé à tous ceux qui cherchent à déchiffrer l'énigme de l'existence humaine. On trouvera dans ces pages le renouveau d'un hellénisme théologique qui libère la vérité ecclésiale de la misère d'une religiosité fragmentaire, au gré d'une élaboration rigoureuse des notions de personne (hypostase), vérité, salut, catholicité, eucharistie.
PRÉFACE
Nous avons réuni dans ce volume six études du théologien orthodoxe Jean Zizioulas, professeur de Dogmatique et d'Histoire des dogmes à l'Université de Glasgow. L'initiative et la responsabilité de cette édition appartiennent davantage aux aspirations de la collection «Perspective orthodoxe» qu'aux intentions de l'auteur. Nous croyons en effet offrir ici au lecteur l'échantillon peut-être le plus caractéristique de la problématique et des critères théologiques qui pourraient définir globalement la physionomie et les buts de notre collection. Nous croyons aussi que le titre donné à ce volume dénote la perspective théologique unique, ou plutôt la charnière qui relie et unifie ces études: la liaison entre la vérité de l'Eglise, vérité pleinement réalisée et manifestée à chaque réunion eucharistique, et le problème existentiel de l'homme, problème de l'être ou de la libération de la vie de toute limite d'espace, de temps, de corruption et de mort.
La liaison entre la vérité de l'Eglise d'une part et, de l'autre, celle de l'existence et de la vie réelles (ou liaison de l'ecclésiologie et de l'ontologie pour parler un langage académique) ne constitue pas une «invention» personnelle de Jean Zizioulas, mais bien la conclusion à laquelle l'ont conduit de longues et laborieuses recherches des sources historiques de la théologie des premiers siècles chrétiens. Suivant l'exemple de grands maîtres, Zizioulas a abouti à la théologie dite «systématique» après un long apprentissage, consacré à mettre en valeur les possibilités qu'offre aujourd'hui l'investigation des sources de l'histoire; et sa contribution remarquable consiste précisément dans son mode d'approche de ces sources et dans l'élaboration de critères théologiques. Ceux-ci, tout en découlant de ces sources mêmes, en permettent une interprétation limpide et persuasive. De cette façon, le retour à la problématique ontologique de l'Eglise indivise — thème central des pages qui viennent — pourrait susciter un intérêt exégétique chez l'historien scientifique, mais encore un intérêt plus essentiel chez le fidèle qui aspire à une approche directe de la pureté chrétienne primitive.
Le retour à la problématique ontologique de l'Eglise indivise signifie: retrouver la priorité absolue de la vérité de l'Eglise, l'événement du rassemblement et de la communion eucharistiques en vue de la réalisation de l'Evangile du salut. La vérité de l'Eglise n'est ni un point de vue limite, ni un aspect partiel de l'enseignement chrétien, mais sa condition préalable.
L'Evangile du salut est la manifestation du fait que la mort a été abolie par le Christ, en même temps que la condamnation de l'homme à n'être qu'un individu fragmentaire, une entité existentielle essayant en vain d'épuiser les possibilités de la vie dans les limites de son «hypostase» biologique mortelle. La mort a été abolie parce que le Christ a constitué, dans les limites de la nature humaine (celles de Son corps), la possibilité de réalistaion du mode d'existence du Dieu trine, la vie comme communion d'amour. Ainsi, seul le mode d'existence trinitaire, seule la vie comme être ecclésial, seule l'existence quand elle est amour (1 Jean 4, 16) est «vie éternelle»: vie libérée de l'espace, du temps, de la corruption et de la mort.
Christos Yannaras